-Allocution de Monsieur Le Yucheng Vice-Ministre des Affaires étrangères au dialogue en visioconférence sur les relations sino-américaines organisé par l'Institut de Politique étrangère du Peuple chinois et l'Asia Society
Monsieur le Premier Ministre Kevin Rudd,
Monsieur le Président Wang Chao,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis content d'être parmi vous à ce dialogue sur les relations sino-américaines. Aujourd'hui, se rencontrer en personne étant presque impossible à cause de la COVID-19, c'est une belle occasion de voir en visioconférence mes anciens et nouveaux amis, et j'attends avec beaucoup d'intérêt vos remarques pertinentes.
J'ai participé récemment à plusieurs séminaires et les relations sino-américaines étaient au cœur de toutes les discussions. Face à des transformations et à une pandémie jamais vues depuis un siècle, aux nouveaux menaces et défis qui ne cessent de se multiplier, le monde attend de la Chine et des États-Unis qu'ils apaisent les crises par une coopération étroite et une interaction active. Pourtant en réalité, les États-Unis mettent de plus en plus en avant la « concurrence stratégique », un « découplage » et une « nouvelle guerre froide » avec la Chine, ce qui aggrave encore davantage la situation. Les relations sino-américaines ont été ainsi mises à la croisée des chemins et sont confrontées à un choix historique. Dans quelle direction iront-elles ? Le Président Abraham Lincoln a dit : « La meilleure façon de prédire l'avenir, c'est de le créer ». L'avenir des relations sino-américaines est façonné par chaque analyse, chaque décision que nous faisons aujourd'hui. C'est une responsabilité et une mission qui incombent à chacun d'entre nous. À ce sujet, j'aimerais partager avec vous quelques-unes de mes réflexions.
1. Les relations sino-américaines ne seront plus ce qu'elles étaient avant, mais il ne faut pas pour autant renier tout ce qui a été fait dans le passé. Les relations sino-américaines sont le fruit de la sagesse et de l'engagement des dirigeants des deux pays et des administrations américaines successives, démocrates comme républicaines. Ces relations ont été bâties grâce aux efforts communs de Chinois et d'Américains de plusieurs générations, et aussi grâce à votre dévouement et votre contribution. Elles ont apporté d'énormes bénéfices tangibles aux deux peuples : le volume des échanges commerciaux bilatéraux a été multiplié par plus de 250 pendant plus de 40 ans ; en tant qu'un des marchés les plus importants pour les exportations américaines, la Chine a soutenu environ 2,6 millions de postes d'emplois aux États-Unis ; 72 500 entreprises américaines au total ont investi en Chine et la grande majorité d'entre elles ont fait fortune. Tout cela sans parler du rôle incontournable des relations sino-américaines dans la réponse aux défis planétaires et dans la promotion de la paix et du développement en Asie-Pacifique et dans le monde. Nier les 40 ans de développement des relations sino-américaines, dire que la « politique d'engagement à l'égard de la Chine » a échoué et que les États-Unis ont été mis en désavantage, c'est tout à fait contraire à la réalité.
2. La concurrence entre la Chine et les États-Unis ne doit pas être un « jeu à somme nulle » et il est dangereux que les États-Unis endiguent la Chine au prix d'un « coût proportionnel ». Les États-Unis parlent tout le temps de l'esprit de marché et de la concurrence équitable. Mais dans l'action, ils ne veulent pas que les autres soient plus performants et plus compétitifs. La Chine, tout en assurant son développement rapide, a apporté une contribution remarquable et remarquée au monde. Elle a contribué à plus de 30% à la croissance mondiale pendant des années et à plus de 70% à la réduction de la pauvreté dans le monde. Elle n'a jamais exporté de réfugiés ni de guerres. Mais devant un véritable bon élève comme la Chine, les États-Unis ferment les yeux et font tout pour la contenir en criant qu'ils « feront de la Chine ce qu'elle était il y a 40 ans ». Quelle intention malveillante ! Et devant les entreprises privées performantes de Chine comme Huawei, les États-Unis ne pensent pas à les vaincre avec de meilleurs produits mais cherchent à endiguer Huawei par tous les moyens sous prétexte de « sécurité nationale ». Même dans le domaine des échanges humains et culturels, les États-Unis sont devenus de plus en plus hystériques envers les Chinois : surveiller des chercheurs, expulser des journalistes, arrêter des étudiants et fermer des Instituts Confucius. Beaucoup de chercheurs et d'étudiants chinois disent que se rendre aux États-Unis est aujourd'hui une aventure dangereuse, car on pourrait être fouillé et interrogé par les agents du FBI à la douane, voire être arbitrairement arrêté et détenu. C'est horrible. Même des professeurs américains ont été licenciés voire jetés en prison rien que pour avoir eu des échanges académiques normaux avec la partie chinoise. On se demande si le maccarthysme est de retour ! Les relations sino-américaines mettent en jeu l'avenir de la Chine, des États-Unis et du monde. Elles ne doivent pas être prises en otage et menées à l'impasse par les fanatiques maccarthystes.
3. Le véritable ennemi des États-Unis n'est pas la Chine, mais le virus invisible et les défis sécuritaires non conventionnels croissants. Depuis le début du 21e siècle, plusieurs crises mondiales ont gravement impacté les États-Unis et les autres pays. À l'origine de ces crises, ce n'est pas les traditionnels confrontations entre grands pays ou conflits géopolitiques, mais le terrorisme, les risques financiers, les virus et autres. Face à ce défi sanitaire inédit depuis un siècle, ce dont les gens ont le plus besoin, ce sont les masques N95 et non les chasseurs F-35. Nous déplorons profondément la disparition de plus de 130 000 Américains victimes de la COVID-19. La Chine est aussi victime du virus et a consenti d'énormes sacrifices et payé un lourd prix. Que les États-Unis rejettent la responsabilité sur la Chine est injuste et immoral, et n'aide en rien à résoudre les problèmes. Le virus ne connaît pas de frontières ni ne favorise personne. Face à un tel ennemi commun, les États-Unis ne doivent pas prendre un partenaire pour un adversaire ni agir au détriment d'autrui qui conduirait à l'épuisement des deux parties. Ce que les États-Unis doivent faire, c'est de travailler avec la Chine et les autres pays du monde pour lutter ensemble contre la COVID-19.
4. Le « découplage » n'est pas réaliste ni ne profite à personne. La mondialisation est une réalité de notre époque qui fait que les pays sont profondément liés dans tous les aspects. Qu'on le veuille ou non, cette tendance ne saurait être inversée. Bien que la mobilité humaine entre la Chine et les États-Unis soit mise à l'arrêt depuis l'apparition de la COVID-19, la circulation de marchandises a continué d'augmenter. En avril dernier, le volume commercial bilatéral s'est élevé à 41,2 milliards de dollars US, et la Chine est ainsi redevenue le premier partenaire commercial des États-Unis. En mai, ce chiffre a atteint 46,5 milliards. Le grand marché de la Chine reste la destination préférée des entreprises américaines. Selon un récent sondage mené par la Chambre de commerce américaine en Chine, 84% des entreprises américaines installées en Chine ne veulent pas la quitter et 38% comptent maintenir ou accroître leur investissement en Chine. Depuis le début de cette année, des sociétés américaines comme ExxonMobil, Honeywell, Tesla et Walmart ont intensifié leur investissement et coopération en Chine. Dans l'avenir, la Chine et les États-Unis auront encore plus d'opportunités de coopération dans les technologies de l'information et de la communication, l'intelligence artificielle, l'éducation en ligne et la télémédecine. Pourquoi interrompre une coopération mutuellement bénéfique et prôner le découplage ? Il y a peu de temps, 160 entreprises américaines ont adressé une lettre cosignée au Congrès pour demander l'annulation des taxes douanières supplémentaires imposées aux produits chinois, en soulignant que ces taxes ont coûté 50 milliards de dollars US de plus aux Américains en 2019 et augmenté les dépenses en moyenne par ménage de 1 277 dollars US. À cause de la guerre commerciale, la valeur des sociétés américaines cotées a chuté de 1 700 milliards de dollars US. Imaginez ce qui se passera avec un « découplage ». Je tiens à réitérer que la Chine poursuivra fermement l'élargissement de l'ouverture sur l'extérieur et restera ouverte à la coopération avec tous les pays, y compris les États-Unis.
5. Ni la Chine ni les États-Unis ne peuvent changer l'autre et les relations sino-américaines ne doivent pas être dictées par des idéologies. Le Parti communiste chinois (PCC), parti au pouvoir en Chine, est le choix de l'histoire et du peuple fermement soutenu par les 1,4 milliard de Chinois. Toute tentative visant à couper les liens étroits entre le PCC et le peuple chinois est vouée à l'échec. Au cours des dernières décennies, c'est sous la direction du PCC que la Chine a pu réaliser les « deux miracles », à savoir une croissance économique rapide et une stabilité sociale constante. Et ce sont la politique extérieure et la politique américaine menées par le PCC qui ont permis un succès aussi considérable et incroyable de la coopération sino-américaine. Qu'est-ce qu'on peut reprocher au PCC ? Pourquoi certains officiels américains de haut rang sont-ils si hostiles envers le PCC et lui lancent des propos si malveillants ? Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les États-Unis cherchent toujours à changer l'autre pays dans le développement des relations État-à-État ? Pourquoi cherchent-ils à imposer leur propre idéologie aux autres ? Pourquoi empêcher un pays de poursuivre une voie de développement qui s'est avérée réussie ? Comme le Communiqué de Shanghai l'a clairement indiqué, il existe des différences essentielles entre la Chine et les États-Unis en termes de systèmes sociaux. Mais ces différences n'ont pas empêché les deux pays d'établir et de développer leurs relations bilatérales il y a 48 ans. Aujourd'hui, elles ne doivent certainement pas constituer un obstacle à l'approfondissement de la coopération sino-américaine ni au développement des relations bilatérales dans l'avenir. La Chine poursuit le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, et elle n'a pas l'intention de se mêler des élections américaines. Mais certains aux États-Unis cherchent par tous les moyens à traîner la Chine dans la campagne électorale en jouant la « carte chinoise » pour faire de la Chine un bouc émissaire parfait. Puis ils accusent la Chine de s'immiscer dans les affaires intérieures des États-Unis et d'influencer les élections américaines. C'est vraiment injuste pour la Chine.
6. Former un bloc antichinois, c'est de diviser le village planétaire. Cela va complètement à l'encontre du courant de notre temps. Le multilatéralisme et la mondialisation sont une tendance irrésistible, et la coopération internationale, l'aspiration commune de tous. Dans un monde où les intérêts des différents pays sont étroitement liés, toute tentative visant à exclure la Chine, à créer des « systèmes parallèles » ou à diviser le monde en deux marchés et deux chaînes industrielles va à contre-courant de l'Histoire. Former un bloc contre la Chine et contraindre les autres pays à prendre parti ne trouveront pas d'écho et ont déjà provoqué la répugnance de nombreux pays. La Chine œuvre à tisser des liens d'amitié partout dans le monde, à renforcer la connectivité dans le cadre de l'Initiative « la Ceinture et la Route » et à promouvoir l'égalité, la coopération et l'amitié avec tous les pays. La Chine ne sera pas isolée et il est impossible d'exclure un marché énorme de 1,4 milliard d'habitants. N'est-il pas absurde de chercher à former des blocs et à diviser ce monde de plus en plus interconnecté et numérisé ? Toute tentative dans ce sens est vouée à l'échec.
7. Il est essentiel de voir de manière juste le rôle de la Chine dans le monde. Tous ceux qui ne regardent pas la Chine à travers un prisme peuvent constater qu'elle est une force de stabilité dans ce monde plein d'instabilités, qu'elle apporte la certitude à la situation changeante et des énergies positives à la gouvernance mondiale. Face à la COVID-19, la Chine a mené au niveau mondial la plus grande opération humanitaire d'urgence jamais connue dans l'histoire. Elle a apporté de l'assistance à 150 pays et à quatre organisations internationales et partagé des expériences avec les autres à travers l'organisation de visioconférences et l'envoi d'équipes d'experts médicaux. Elle s'est engagée à accorder d'ici deux ans une aide de deux milliards de dollars US pour la lutte internationale contre le virus, à faire du vaccin contre la COVID-19 un bien public mondial, à concrétiser avec les autres membres du G20 l'Initiative sur la suspension du service de la dette et à accroître le soutien aux pays africains dans leur lutte contre la maladie. La Chine a fourni plus de 70 milliards de masques au reste du monde, dont plus de 60 en moyenne pour chaque Américain. Les aides et soutiens qu'apporte la Chine ne sont assortis ni d'intérêts égoïstes ni de conditions quelconques. Ce n'est nullement pour rechercher l'influence géopolitique ni pour la prédominance. Ce que nous souhaitons, c'est de fournir davantage de biens publics aux autres pays et à la communauté internationale vu les résultats obtenus dans la lutte contre le virus en Chine et de remplir nos responsabilités en tant que grand pays.
8. La Chine et les États-Unis doivent gérer leurs divergences par le dialogue et la coopération et tenir compte des intérêts vitaux et préoccupations de part et d'autre. J'ai noté que le récent dialogue de haut niveau sino-américain à Hawaï avait attiré beaucoup d'attention dans nos deux pays et dans le monde. Cela montre qu'entre la Chine et les États-Unis, deux grands pays assumant des responsabilités internationales particulières, plus il y a de difficultés et de tensions, plus il est impératif de maintenir le dialogue et d'accroître la confiance mutuelle. La diplomatie du mégaphone n'aide pas à résoudre les problèmes et pourrait même transformer un petit problème en une grave crise. Les mécanismes de communication et de dialogue existants ne doivent pas être abandonnés. Et de nouveaux modes et canaux de dialogue devront être créés. Nous devons coopérer là où il est possible et gérer au mieux les différends. Il nous faut aussi mettre en place des mécanismes d'alerte, de réponse d'urgence et de consultations pour s'assurer que les relations sino-américaines ne connaissent pas de dérapage ni de déraillement.
Les questions liées à Taiwan, à Hong Kong, au Xinjiang et au Tibet touchent à la souveraineté et à la sécurité de la Chine. Aucune ingérence étrangère sur ces questions n'est permise. Nous nous opposons fermement à ce que les États-Unis lancent des accusations infondées au sujet de la législation sur la préservation de la sécurité nationale à Hong Kong et imposent des prétendues sanctions. Je tiens à souligner que légiférer sur la sécurité nationale relève de l'exercice de la souveraineté et est une pratique internationale courante. Les États-Unis ont jusqu'à 20 lois sur la sécurité nationale et leur système juridique en la matière ne cesse de se renforcer. Pourquoi la Chine ne peut-elle pas faire de même ? La législation ne vise qu'un petit nombre de criminels qui mettent gravement en danger la sécurité nationale. Elle n'affecte ni l'autonomie de haut degré de Hong Kong, ni les droits et libertés de ses habitants, ni les droits et intérêts légitimes des investisseurs étrangers à Hong Kong. Je suis fermement convaincu que cette loi ne peut que rendre Hong Kong plus stable, plus prospère et plus attractif. Hong Kong aura certainement un avenir meilleur.
Je suis optimiste quant à l'avenir des relations sino-américaines. Bien que ces relations soient assombries, le ciel ne tombera pas et le soleil percera les nuages. La tendance à la coopération sino-américaine est irrésistible. La Chine, toujours dans l'esprit de non-conflit, de non-confrontation, de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant, est prête à œuvrer avec les États-Unis à construire des relations basées sur la coordination, la coopération et la stabilité. Je suis convaincu que les deux peuples ont la bonne volonté et la sagesse pour trouver une voie qui permet à nos deux grands pays aux systèmes sociaux et aux cultures différents de vivre en paix sur cette planète et de réaliser une coopération gagnant-gagnant.