Le 5 décembre 2005, le Premier Ministre Wen Jiabao, en visite officielle en France, a prononcé au MEDEF un discours intitulé « De belles perspectives devant la coopération économique et commerciale sino-française ». Voici le texte intégral :
De belles perspectives devant la coopEration Economique et commerciale sino-française
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Discours de M. Wen Jiabao, Premier Ministre du Conseil des Affaires d'Etat de la République populaire de Chine au MEDEF |
(Paris, 5 décembre 2005)
Monsieur le Président Giscard d'Estaing,
Madame la Présidente Laurence Parisot,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier le MEDEF pour son invitation qui m'a donné le grand plaisir de rencontrer les amis français du monde industriel et commercial. J'aimerais saisir cette occasion pour vous présenter, d'une manière succincte, la situation économique dans mon pays et vous faire partager quelques-unes de mes réflexions sur le renforcement de la coopération économique et commerciale sino-française.
A partir des années 80 du siècle dernier, la Chine a poursuivi fermement la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur et s'est attachée à libérer et à développer les forces productives. La physionomie économique et sociale du pays a connu d'immenses changements et les conditions de vie de la population se sont nettement améliorées. Actuellement, l'économie chinoise, en croissance régulière et rapide, marche bien et est marquée notamment par :
― Une stabilité nettement renforcée. Le PIB s'est accru de 9,5% en 2003 et en 2004. Il se situera au même niveau en 2005, à 9,4%, sans grande fluctuation. Voilà un succès dû au renforcement et à l'amélioration par le gouvernement chinois du macro-contrôle économique.
― Un développement harmonieux sans cesse amélioré. Tout en maintenant une croissance relativement rapide, nous avons veillé à renforcer les maillons faibles que sont l'agriculture, les régions de l'Ouest et les œuvres d'intérêt social, en vue d'un équilibre entre les villes et les campagnes, entre les différentes régions ainsi qu'entre le développement économique et le progrès social. Grâce à une politique avantageuse pour l'agriculture et les régions rurales, la production de céréales s'est accrue considérablement ces deux dernières années, et les revenus des paysans ont connu une nette augmentation.
― Une ouverture plus marquée. Nous avons travaillé activement à l'élargissement de l'ouverture sur l'extérieur et au renforcement de la coopération internationale en matière économique et commerciale. Une économie tournée vers l'extérieur s'est donc développée rapidement. Le volume des imports-exports s'est chiffré à 1 150 milliards de dollars américains en 2004, et poursuit un accroissement rapide cette année. Grand pays exportateur, la Chine est en même temps une puissance importatrice. Ses importations dépasseront 600 milliards de dollars cette année. Par ailleurs, les investissements directs étrangers ont continué de progresser, à hauteur de 60 milliards de dollars par an pour ces deux dernières années. Les entreprises installées en Chine sont bien récompensées, et les consommateurs étrangers ont bien profité des produits chinois bon marché, mais de bonne qualité.
― Une force interne entraînante accrue. S'appuyer sur l'élargissement de la demande domestique pour la promotion de la croissance économique, telle est notre stratégie de développement à long terme. Forte de 1,3 milliard d'habitants, la Chine, actuellement en pleine industrialisation et urbanisation, possède un potentiel de marché immense. En 2004, le chiffre d'affaires réalisé par la vente de biens de consommation et de production en Chine représente environ un montant de 2 000 milliards de dollars, tandis que cette année, la consommation domestique accroîtra, selon les prévisions, de 13%. Le développement économique accéléré et l'élévation du niveau de vie de la population, surtout le décollage des régions rurales et du Centre-Ouest du pays, assureront l'expansion du marché intérieur de la Chine. L'économie chinoise possède donc de vastes perspectives d'avenir.
― Une réforme du système économique toujours plus approfondie. Ces deux dernières années, nous avons adopté une série de mesures importantes. La réforme intégrée dans les régions rurales se poursuit avec notamment la suppression des impôts agricoles ; la réorganisation des moyennes et grandes entreprises d'Etat en sociétés par actions s'est accélérée ; la réforme des banques commerciales d'Etat avec l'introduction de l'actionnariat a donné des résultats importants ; la réforme du marché du capital a progressé sans à-coups ; et une réforme visant à améliorer le système de formation du taux de change du Renminbi, réforme qui a attiré l'attention aussi bien des Chinois que des étrangers, a été lancée. Toutes ces mesures ont insufflé une nouvelle vitalité au développement de l'économie chinoise et nous ont permis de franchir des pas substantiels vers notre objectif défini, le perfectionnement du système de l'économie de marché socialiste.
Nous venons de fixer notre objectif de développement pour les cinq ans à venir qui est de doubler en 2010 le PIB par tête d'habitant sur la base de l'an 2000 pour faire avancer sur tous les plans la construction d'une société d'aisance moyenne. Pour ce faire, nous persévérerons dans la voie du développement scientifique, en travaillant au perfectionnement du système de l'économie de marché socialiste, à la restructuration économique, à la réforme du mode de croissance et au renforcement de nos capacités d'innovation autonome et en nous attachant à promouvoir un développement équilibré entre villes et campagnes et entre les différentes régions, à construire une société économe et une société respectueuse de l'environnement, à maintenir une croissance économique régulière et rapide et à assurer une harmonie et une stabilité dans la société. Nous suivrons fermement la voie du développement pacifique, avec la détermination de réaliser un environnement international pacifique pour notre propre développement et de contribuer, grâce à ce développement, à la promotion de la paix dans le monde. Le développement de la Chine non seulement profite au bien-être du peuple chinois, mais également procure des opportunités de coopération aux hommes d'affaires français et des autres pays du monde.
Mesdames et Messieurs,
Aujourd'hui, 41 ans après l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, les relations entre les deux pays se trouvent à leur meilleur niveau, après avoir soutenu l'épreuve du temps et des aléas internationaux. Elles sont marquées par la multiplication des échanges de haut niveau, l'approfondissement de la confiance politique, le dynamisme des échanges culturels et l'élargissement de la coopération économique et commerciale. Avec un volume commercial qui dépassera très probablement 20 milliards de dollars américains cette année, la France est pour la Chine le 2e partenaire de coopération technologique, le 3e investisseur et le 4e partenaire commercial parmi les Etats membres de l'Union européenne. Actuellement, la coopération économique et commerciale sino-française présente les nouvelles particularités qui sont comme suit :
Premièrement, un caractère stratégique plus marqué. Le gouvernement chinois a soutenu fermement la candidature française pour le projet ITER et entend renforcer sa coopération avec la France et l'Union européenne sur le programme Galiléo. La coopération sino-française pour ce qui est de laboratoires à niveau de sécurité élevé et de l'hélicoptère de type nouveau s'est avérée fructueuse, et celle entre des entreprises chinoises et Airbus progresse dans d'heureuses conditions.
Deuxièmement, une couverture plus vaste. La coopération dans les secteurs tels que l'aéronautique, l'énergie et le ferroviaire s'assoit sur une bonne base tandis que celle en matière d'agriculture, d'environnement, de hautes et nouvelles technologies et de télécommunications a connu un développement vigoureux. Les entreprises françaises ont commencé à s'implanter dans le Centre-Ouest et le Nord-Est de la Chine au lieu de se concentrer dans les régions côtières du Sud-Est et y ont obtenu de belles performances. C'est le cas de Véolia, de Lafarge, de Carrefour, de Snecma et aussi de beaucoup d'autres.
Troisièmement, un essor de la coopération entre les PME-PMI. Le programme « 1 000 PME-PMI en Chine » initié par le gouvernement français a bien progressé depuis le début de cette année, de telle sorte que les PME-PMI françaises sont venues très nombreuses en Chine pour des expositions et des échanges. Une foire sino-française sur la coopération entre les PME-PMI a été organisée par la Chine à Paris et des salons sino-français des PME-PMI ont eu lieu à Guangzhou et à Shanghai.
Quatrièmement, un début des investissements dans les deux sens et de la coopération entre les entreprises des deux pays. Les réorganisations TCL-Thomson et TCL-Alcatel ont offert des exemples à suivre pour l'internationalisation des entreprises chinoises.
Tous ces succès sont étroitement liés à vos efforts inlassables. A cette occasion, je voudrais remercier sincèrement tous les amis français du monde industriel et commercial qui n'ont cessé de travailler au développement des relations économiques et commerciales entre les deux pays et au resserrement des liens d'amitié entre les deux peuples. Mes remerciements s'adressent en particulier au Président Giscard d'Estaing, qui a conduit chaque année une délégation des hommes d'affaires français en Chine, et cela pendant déjà plusieurs années, et qui a apporté une grande contribution à la coopération économique et commerciale sino-française.
Mesdames et Messieurs,
Ce matin, j'ai eu, avec le Président Chirac et le Premier Ministre de Villepin, des échanges de vues approfondis sur la façon d'approfondir nos relations de partenariat global stratégique et d'élargir notre coopération mutuellement avantageuse, et nous avons dégagé de vastes convergences de vues. Nous sommes unanimes à estimer que la coopération économique et commerciale sino-française repose sur une base politique solide et possède un bel avenir. Il convient donc d'adopter de part et d'autre une vision stratégique, d'assurer une étroite collaboration entre les gouvernements et les industriels et les hommes d'affaires des deux pays et de se prêter mutuellement soutien sur les grands problèmes qui préoccupent l'une ou l'autre partie, de sorte à étendre la voie pour une coopération économique et commerciale accrue entre les deux pays. Il faut continuer à agir selon le principe de complémentarité, d'avantages réciproques et de gagnant-gagnant et chercher à multiplier les canaux, à élargir les champs et à élever le niveau de la coopération afin de porter nos relations économiques et commerciales à de nouveaux paliers. A cet effet, j'aimerais vous faire part de mes quelques réflexions :
Premièrement, consolider et développer la coopération dans le domaine des hautes et nouvelles technologies. Nous sommes prêts à approfondir notre coopération avec la France concernant le nucléaire, l'aéronautique et le ferroviaire. Nous souhaitons également élever le niveau de notre coopération en matière de technologies spatiales, de bio-ingénierie et de technologies de l'information.
Deuxièmement, développer les investissements dans les deux sens. La Chine applique des stratégies de développement régional pour la mise en valeur de l'Ouest et le redressement des anciennes bases industrielles du Nord-Est. Le principe fondamental pour accélérer le développement de ces régions consiste à une plus grande ouverture tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. D'où de nouvelles chances pour les investisseurs français. Par exemple, une soixantaine de grands projets sont prévus pour le développement de l'Ouest qui concernent les communications, l'énergie et la protection de l'écologie. Nous sommes donc très favorables à ce que les entreprises françaises viennent travailler en Chine. Nous encourageons en même temps les entreprises chinoises performantes à chercher des possibilités de développement en France.
Troisièmement, élever le niveau de la coopération en matière de commerce des services. Mon pays a déjà ouvert une centaine de secteurs de service parmi les quelque 160 couverts par l'Accord de l'OMC. Quant à l'ouverture des secteurs bancaire, boursier, des assurances et de la distribution, elle progresse selon le calendrier établi. La France est particulièrement forte pour les services modernes. Notre coopération dans ce domaine renferme de grandes potentialités. Par ailleurs, la Chine s'efforce de changer le mode de croissance de ses échanges commerciaux, notamment en encourageant les entreprises chinoises à opérer dans le domaine du commerce des services en dehors du territoire chinois. Une coopération accrue est nécessaire pour créer de nouveaux créneaux de croissance de nos échanges économiques et commerciaux.
Quatrièmement, promouvoir davantage la coopération entre les PME-PMI. La France compte 2,4 millions de PME-PMI, alors que la Chine, plus de 8 millions. La coopération sino-française est donc très prometteuse dans ce domaine. Nous envisageons d'offrir un meilleur environnement pour le développement des PME-PMI qui possèdent des atouts particuliers pour la création d'emplois. Nous espérons que nos PME-PMI pourront profiter pleinement des plateformes existantes et mener une coopération plus active.
Cinquièmement, renforcer les mécanismes d'échanges et de dialogue. La coopération économique et commerciale sino-française maintient un bon élan avec une envergure sans cesse élargie. Mais les frictions commerciales sont pourtant inévitables. Il faut donc perfectionner les mécanismes de consultations et trouver des solutions adéquates à ces problèmes afin d'assurer un développement sain de nos échanges commerciaux.
Le libre-échange est un acquis important de la civilisation humaine et constitue une voie essentielle pour réaliser la complémentarité entre les différents pays du monde. La Chine est pour le libre-échange et œuvre activement à la libéralisation et à la facilitation des échanges et des investissements. Elle se prononce pour le règlement des litiges commerciaux par des consultations menées sur un pied d'égalité et contre le recours arbitraire aux mesures de restrictions commerciales. Elle ne recherche pas une balance commerciale excédentaire, au contraire, elle entend travailler conjointement avec ses partenaires pour régler le problème du déséquilibre commercial à travers le développement des échanges commerciaux. Nous espérons aussi que nos partenaires développés pourront lever les restrictions qu'ils imposent à leur exportation de technologies, car cela est dans l'intérêt d'une balance commerciale équilibrée. Nous honorerons scrupuleusement nos engagements pris au moment de notre adhésion à l'OMC, en veillant à poursuivre l'ouverture du marché, à perfectionner la législation en vigueur, à accroître la transparence de nos politiques commerciales et à renforcer la protection des propriétés intellectuelles, de sorte à créer des conditions meilleures pour la coopération économique et commerciale à l'échelle internationale.
Mesdames et Messieurs,
Les économies chinoise et française sont fort complémentaires. Renforcer la coopération économique et commerciale entre les deux pays correspond aux intérêts fondamentaux des deux peuples. Grâce aux efforts conjugués, nous avons toutes les chances, j'en suis convaincu, de doubler dans cinq ans le volume de nos échanges commerciaux pour le porter à 40 milliards de dollars américains et d'assurer un plus grand développement de notre coopération dans les domaines économique, culturel, scientifique, technologique et éducatif. Nous pouvons attendre un lendemain meilleur pour la coopération sino-française.
Je vous remercie de votre attention.