Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Chercheurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de participer au Colloque sur les relations sino-françaises et de rencontrer mes amis, anciens et nouveaux. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous remercier de l'intérêt et du soutien que vous avez accordé depuis longtemps aux relations sino-françaises.
C'est la deuxième fois que je participe à un colloque sur les relations sino-françaises en un peu plus d'un an. En janvier 2009, j'ai participé avec M. Jean-Pierre Raffarin au colloque du 45e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques sino-françaises. À cette époque-là, notre plus grande préoccupation était de faire sortir rapidement les relations sino-françaises des turbulences. Aujourd'hui, je me réjouis de constater que les relations entre nos deux pays sont remises sur les rails et de voir tant de personnalités éclairées réunies ici pour discuter des moyens de promouvoir davantage les relations sino-françaises dans le nouveau contexte. J'espère que vous échangerez vos vues à cœur ouvert et donnerez sans réserve vos avis et conseils sur le développement des relations sino-françaises et sino-européennes.
Il y a 46 ans, le Président Mao Zedong et le Général de Gaulle ont décidé, avec un courage et une vision dignes des grands hommes d'État, d'établir des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Cette décision historique, qui transcendait le fossé d'un monde bipolaire, a été qualifiée par les médias comme de l'époque de « bombe atomique politique » et des impacts aussi profonds que durables sur la configuration internationale.
Depuis 46 ans, grâce aux efforts conjoints des deux parties, les relations sino-françaises ont résisté aux aléas internationaux et créé beaucoup de « premières », qu'il s'agisse de la coopération nucléaire, de l'établissement du partenariat global, du lancement du dialogue stratégique ou de l'organisation des années croisées.
Depuis 46 ans, la coopération économique et commerciale sino-française a porté des fruits abondants. A l'heure actuelle, plus de 3 800 entreprises françaises se sont implantées en Chine et plus de 100 entreprises chinoises se sont établies en France. Le volume du commerce bilatéral est passé de 100 millions de dollars US par an à plus de 100 millions de dollars US par jour, sans oublier Carrefour, la centrale nucléaire de Taishan et la ligne d'assemblage d'Airbus A320 qui sont devenus des symboles majeurs de la coopération sino-française.
Depuis 46 ans, les échanges culturels et humains sino-français deviennent chaque jour plus dynamiques. Les échanges humains sont passés de plus de 4 000 personnes par an à plus de 4 000 personnes par jour. Les initiatives comme les années croisées Chine-France et les échanges entre les jeunes ont eu de grands échos en Europe et dans le monde.
Or, le développement des relations sino-françaises n'a pas été sans entraves, il a connu des difficultés et des retours en arrière pour des raisons diverses. Mais l'expérience historique nous enseigne que tant que nous nous attachons à voir et à traiter les relations sino-françaises avec une vision globale à long terme, nous pourrons leur assurer un développement durable, régulier et sain en dépit des situations complexes et des interférences. Tant que nous veillons à prendre en compte et à traiter adéquatement les intérêts et préoccupations majeurs de l'autre dans un souci constant de respect et d'égalité, nous parviendrons à dépasser nos différences culturelles, historiques et idéologiques et à maintenir une bonne dynamique des relations bilatérales. Tant que nous nous en tenons aux principes du gagnant-gagnant et du développement commun, nos échanges et notre coopération donneront des fruits toujours plus abondants dans tous les domaines. Tant que nous travaillons à approfondir la confiance mutuelle et à renforcer la coopération, nous pourrons porter sans cesse le partenariat global stratégique sino-français à des niveaux plus élevés.
A l'heure actuelle, le monde traverse de grandes mutations et de grands réajustements. La Chine change, tout comme la France. Chacun de nos deux pays devrait voir et comprendre le développement de l'autre dans une perspective évolutive, et discuter des questions stratégiques avec une attitude constructive afin de rechercher des intérêts communs.
Depuis la fondation de la Chine nouvelle il y a 60 ans, notamment depuis le lancement de la politique de réforme et d'ouverture il y a 30 ans, des changements considérables se sont opérés en Chine. Nous avons parcouru en 60 ans le processus d'industrialisation que l'Europe avait mis 200 ans à réaliser, permettant à 1,3 milliard de Chinois de jouir d'une vie relativement aisée. C'est là un succès incontestable dont est fier le peuple chinois qui a tant souffert dans le passé.
Cependant, en réalité, et nous le savons mieux que quiconque, que la Chine est toujours un pays en voie de développement, avec une population nombreuse et une base économique fragile et un développement déséquilibré. Aujourd'hui, la Chine se classe après la centième place en termes de PIB per capita et possède la deuxième plus grande population pauvre de la planète. Elle compte plus de 84 millions de handicapés, soit 20 millions de plus que la population française. Plus de 40 millions de Chinois vivent toujours dans la pauvreté absolue et chaque année il nous faut créer 24 millions d'emplois. Chaque jour, des milliers de paysans de l'Ouest quittent leur terre pour chercher un emploi dans les villes de l'Est. Rarement les mutations sociales ont atteint une telle ampleur ailleurs qu'en Chine. Et les difficultés que nous devons affronter et surmonter sont du jamais vu et dépassent l'imagination dans tout autre pays. On peut dire que la modernisation de la Chine ne fait que commencer avec les premiers pas franchis.
L'histoire est notre meilleur professeur. Elle enregistre fidèlement l'évolution de chaque nation et augure son avenir. Dans son histoire, quelque puissante soit-elle, la Chine n'a jamais fait de l'agression et de l'expansion un choix politique. Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, « l'harmonie dans la diversité », « ne pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît » ont toujours été des valeurs chères au peuple chinois. Depuis la fondation de la Chine nouvelle il y a 60 ans, l'entente universelle constitue le fil conducteur de la politique étrangère chinoise. L'hégémonisme est contraire à notre tradition culturelle et à la volonté du peuple chinois. Le vieux cauchemar et l'idée reçue selon lesquels la puissance conduit à l'hégémonie ne s'appliquent pas à la Chine.
L'histoire montre également combien la nation chinoise est attachée à sa souveraineté, à son indépendance et à son intégrité territoriale. Sur ces questions qui touchent aux intérêts vitaux du pays et de la nation, nous avons toujours été, nous sommes et nous serons toujours fermes et sans ambiguïté.
La Chine d'aujourd'hui s'intègre de plus en plus dans le monde et ses liens avec le reste de la planète sont chaque jour plus étroits. Sans nuire à aucun autre pays, le développement de la Chine apportera plus d'opportunités au monde et donc une plus grande contribution au développement mondial. Nous avons pris une part active à la coopération internationale contre la crise financière et contribué à la création d'une réserve de changes asiatique de 120 milliards de US dollars. Nous avons pris des mesures importantes pour lutter contre le changement climatique et contribué aux résultats importants de la Conférence de Copenhague. Nous avons annulé des dettes de 49 PPTE et PMA et accordé plus de 200 milliards de Yuans RMB d'aides aux autres pays en développement. Nous avons participé activement aux efforts internationaux de maintien de la paix et envoyé au total plus de 10 000 agents pour 24 opérations onusiennes de maintien de la paix dont plus de 2 100 sont encore en mission, ce qui fait de la Chine le premier contributeur de casques bleus parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité. La Chine, par ses actions, a montré qu'elle est une force positive et active pour le maintien de la paix et la promotion du développement dans le monde.
M. Deng Xiaoping disait : « L'Europe et l'Asie forment en réalité un seul continent. Vous êtes à l'Ouest, et nous à l'Est. Ce qui nous réunit est beaucoup plus important qu'on ne l'imagine. » Dans l'esprit des Chinois, la France est, dans l'histoire, un pays d'avant-garde en matière de pensée et de culture, un pays qui a apporté une contribution remarquable à la civilisation et au progrès de la société humaine. Aujourd'hui, la France est une des premières puissances économiques, scientifiques et technologiques du monde, moteur de la construction européenne et grand pays européen à rayonnement international. Nous regardons toujours avec respect et bienveillance le développement et le progrès de la France et des autres pays européens.
Les relations sino-françaises sont dotées d'une base stratégique, politique, économique et culturelle solide. Membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Chine et la France partagent des vues similaires ou identiques sur de nombreuses questions internationales ou régionales d'importance majeure et ont des responsabilités importantes dans les affaires internationales. A l'heure actuelle où le monde vit les changements les plus profonds et les plus complexes depuis la fin de la guerre froide, il est de l'intérêt de nos deux pays de bâtir une relation bilatérale plus stable, plus stratégique, plus innovante et toujours à l'avant-garde de notre époque.
Face à la nouvelle situation, aux nouvelles opportunités et aux nouveaux défis, nous devons saisir les opportunités historiques, intensifier nos consultations et concertations sur les grandes questions stratégiques comme la réforme de la gouvernance mondiale et du système financier international dans un monde en profonde mutation, relever ensemble les défis globaux de plus en plus inquiétants dont la crise financière internationale, le changement climatique, l'environnement et la sécurité énergétique afin de promouvoir en commun l'instauration d'un ordre international juste, rationnel et équilibré et l'avènement d'un monde de paix durable et de prospérité commune.
Cette année sera marquée par une série de visites de haut niveau entre nos deux pays qui offrent des opportunités importantes au développement de nos relations. Nous espérons que les deux pays pourront adopter une vision de long terme, saisir l'opportunité et renforcer leur coopération pour insuffler une nouvelle vitalité à l'approfondissement de leurs relations dans tous les domaines. Et nous souhaitons également voir la France, membre important de l'Union européenne, continuer à jour un rôle actif au sein de l'UE et contribuer à un plus grand essor du partenariat global et stratégique sino-européen.
Ce colloque donne aux intellectuels et aux médias de nos deux pays une belle occasion de renforcer leurs échanges et communications. J'espère que les participants chinois et français feront des propositions constructives pour le développement des relations sino-françaises, donneront des conseils utiles aux décideurs des deux pays et contribueront à une meilleure compréhension entre les deux peuples. Je propose à nos amis français de profiter de cette occasion pour visiter un peu la Chine et savoir ce que pensent les Chinois, ce qu'ils font et ce qui les préoccupe. Cela vous aidera à avoir une connaissance complète de la Chine, d'une vraie Chine en pleine mutation, et à la faire connaître après à davantage d'amis français.
Tous mes vœux de plein succès pour ce colloque !
Je vous remercie !